• Dirigeants Augmentés
  • Posts
  • Dirigeants Augmentés : Le thermomètre confirme la fièvre. Et si l'échec était le remède ?

Dirigeants Augmentés : Le thermomètre confirme la fièvre. Et si l'échec était le remède ?

Bienvenue dans l'édition de cette semaine. Une fois par semaine, je partage mes réflexions sur les signaux qui comptent. Sans formalité, sans publicité – juste un professionnel qui partage son expérience avec des dirigeants de PME et d'ETI.

Cette semaine, nous menons l'analyse sur deux fronts. Une double lecture, essentielle pour qui veut non seulement survivre, mais aussi dominer dans l'environnement actuel.

Le premier front est extérieur : c'est le diagnostic clinique de la pression économique et géopolitique qui pèse sur chacune de vos décisions. La fièvre du marché, confirmée par les chiffres.

Le second front est intérieur : c'est la mécanique de la résilience. L'anatomie de ces leaders qui, face à un échec cuisant, ne se brisent pas mais rebondissent, plus forts.

Car la vraie guerre du dirigeant se joue ici : dans la capacité à encaisser la violence du premier front, tout en maîtrisant la complexité du second.

Commençons par le thermomètre.

Le thermomètre et la boussole : pourquoi les chiffres ne suffisent plus pour naviguer

Vous connaissez ce sentiment. 7h30 du matin, le café à la main, vous survolez la presse économique. Et chaque titre, chaque courbe, chaque pourcentage semble ajouter un poids supplémentaire sur vos épaules.

Une voix intérieure vous dit que l'étau se resserre. Que l'environnement est de plus en plus lourd, de plus en plus incertain.

Vous n'êtes pas fou. Vous n'êtes pas pessimiste.

Vous êtes lucide.

Une récente étude du Boston Consulting Group, relayée par La Tribune, vient de poser un diagnostic chiffré sur ce ressenti. C'est le thermomètre qui confirme que la fièvre n'est pas une illusion.

1. Le diagnostic est posé (et il n'est pas bon)

Les chiffres sont bruts. Inutile de les enjoliver.

En Europe, les faillites ont bondi de 10% en 2024. Près de 6,3% des entreprises, ETI et grands groupes confondus, font face à des "énormes pressions de restructuration". En clair, elles sont au bord du gouffre.

C'est 3,6 millions d'emplois sur la sellette.

La France, bien que moins mal en point que l'an dernier, n'est pas épargnée. Près de 4,9% de nos entreprises sont jugées à la fois sous-capitalisées et sous-performantes.

500 000 emplois menacés.

Et près de 17% des entreprises françaises, soit près d'une sur six, voient leur santé opérationnelle et financière décliner.

Le BCG parle d'un "empilement de facteurs externes" : tensions géopolitiques qui font flamber les prix des matières premières, instabilité, menaces de droits de douane, confiance des entreprises en berne...

2. Pourquoi cela vous concerne directement

Ces chiffres macro-économiques peuvent sembler lointains. Abstraits. Le problème, c'est que cet "empilement" atterrit directement dans votre PME.

Ce n'est pas un concept, c'est une réalité opérationnelle.

Une tension géopolitique, c'est votre fournisseur de composants qui annonce un retard de six semaines et une hausse de 15%.

La baisse de confiance, c'est ce client stratégique qui repousse sa décision de signature d'un trimestre, gelant une partie de votre prévisionnel.

La pression financière, c'est votre banquier qui devient soudainement plus frileux pour financer le renouvellement de votre parc de machines.

La tentation, face à ce thermomètre qui affiche 40°C de fièvre, est de se noyer dans encore plus d'informations. De multiplier les tableaux de bord, les indicateurs, les rapports.

C'est une erreur. C'est le plus court chemin vers la paralysie.

3. De la sidération à l'action : changez d'instrument

L'article de La Tribune, comme l'étude du BCG, est un excellent thermomètre. Il vous dit : "Attention, l'environnement est fiévreux".

Mais un thermomètre ne vous a jamais guéri. Il ne vous a jamais indiqué la direction à prendre.

Dans la tempête, le capitaine n'a pas besoin qu'on lui crie en permanence la force du vent. Il a besoin d'une boussole.

Votre boussole, c'est votre vision. Votre stratégie. Votre capacité à décider, non pas en réaction à la dernière dépêche, mais en fonction d'un cap que vous avez fixé.

La créativité, en stratégie, c'est l'art de la soustraction.

Au lieu d'ajouter une nouvelle couche de complexité, la question est : qu'est-ce qu'on enlève ? Sur quels quelques leviers vitaux doit-on concentrer 80% de son énergie ?

Est-ce la renégociation des contrats avec trois fournisseurs clés ? La refonte de l'offre pour un segment de clientèle plus solvable ? L'automatisation radicale d'un processus interne qui dévore de la marge ?

La pression ambiante a une vertu : elle oblige à l'essentiel. Elle pulvérise le "feel good BS" et les projets "pour voir". Elle ne laisse de place que pour ce qui crée de la valeur, maintenant.

Le défi n'est plus d'absorber plus d'informations, mais de développer une discipline féroce pour les filtrer.

Le diagnostic est posé. L'environnement est fiévreux, la pression maximale, et les vents contraires ne sont pas près de se calmer.

C'est un fait. Un état des lieux.

Mais un diagnostic, aussi précis soit-il, ne dit rien sur la constitution du patient. Face à la même tempête, un navire sombre quand l'autre atteint le port. La différence ? Ce n'est pas la météo. C'est l'équipage, et surtout, le capitaine.

La pression externe révèle le câblage interne.

Elle agit comme un filtre impitoyable qui sépare ceux qui subissent de ceux qui agissent. Ceux que le revers démoralise et ceux que l'échec propulse. C'est ici que la stratégie quitte les tableurs Excel pour devenir une question de force mentale.

Alors, comment parier sur le bon champion ?

Parier contre un champion est un mauvais pari (surtout quand le champion, c'est vous)

Il est 21 heures. Les bureaux sont vides. Le silence est total, seulement brisé par le ronronnement d'un serveur.

Vous venez de vous prendre un mur.

Un client majeur qui part. Un lancement de produit qui fait un flop. Un trimestre dans le rouge vif. Le coup de poing dans l'estomac est bien réel. Dans ces moments, la solitude du dirigeant n'est pas un concept de livre de management.

C'est un poids physique.

La tentation est immense : se replier, chercher une zone de confort, rationaliser l'échec pour le rendre acceptable. C'est un réflexe humain. Presque instinctif. Mais ce n'est pas le réflexe du leader.

1. Le repli : la réaction par défaut

Face à un revers, la réaction la plus courante est la démoralisation.

On se retire discrètement du champ de bataille. On réduit la voilure, on abaisse les ambitions. On se dit "ce n'était pas le bon moment", "le marché n'était pas prêt", "les équipes n'ont pas suivi".

On encaisse la défaite et on retourne à ce qu'on sait faire, à ce qui est sûr.

Cette réaction est celle de l'amateur. Non pas au sens péjoratif, mais au sens de celui qui n'a pas encore intégré la mécanique profonde du succès à grande échelle. L'amateur croit que le chemin vers le sommet est une ligne droite.

Le professionnel, lui, sait que le succès n'est qu'une succession de rebonds.

2. Le rebond : une question de câblage

Les leaders qui durent ne sont pas ceux qui n'échouent jamais. Ce sont ceux dont le "câblage émotionnel" face à l'échec est radicalement différent.

Pour eux, un revers n'est pas un verdict. C'est une information.

Un échec n'est pas une impasse. C'est la préparation du prochain mouvement.

Intellectuellement, ils comprennent le concept d'abandonner. Mais émotionnellement, il n'est pas intégré dans leur système d'exploitation.

Des années de programmation, de coups durs et de petites victoires ont ancré en eux une certitude : la seule direction est vers le haut.

Cela explique pourquoi l'entourage les croit finis. On sous-estime systématiquement la ténacité de ceux qui ont une vision claire. On les enterre un peu vite.

Et c'est au moment où tout le monde les a rayés de la carte qu'ils resurgissent.

3. Anatomie d'un come-back : la mécanique en trois temps

Cette capacité à rebondir n'est pas une qualité mystique. C'est une compétence qui se décompose et se travaille. Une mécanique en trois actes.

Sur le plan physique, c'est la persévérance. C'est l'action brute. La discipline de continuer à mettre un pied devant l'autre, même sans visibilité. C'est continuer le travail, jour après jour, même quand l'envie a disparu. C'est la force de l'habitude qui prend le relais de la motivation.

Sur le plan mental, c'est la robustesse. C'est la capacité à encaisser sans se fragmenter. À analyser l'échec froidement, sans se laisser submerger par le "pourquoi moi ?". C'est disséquer la défaite pour en extraire la leçon, l'information cruciale qui servira de base à la prochaine offensive.

Sur le plan spirituel, c'est l'art. C'est la dimension la plus élevée. C'est la capacité à voir le revers non pas comme un obstacle, mais comme un levier. L'art de transformer une défaite tactique en une future victoire stratégique. L'échec devient alors la matière première d'une manœuvre plus élégante, plus puissante.

Cette distinction est fondamentale : les grands leaders ne se contentent pas d'endurer l'échec. Ils l'utilisent.

La vraie question n'est pas "allez-vous échouer ?", mais "que ferez-vous de votre prochain échec ?". Sera-t-il un point final, ou la première ligne d'un nouveau chapitre ?

L'armure et la prochaine bataille

Le diagnostic extérieur est posé. La mécanique intérieure est décortiquée. Au final, l'épreuve du feu ne révèle qu'une seule chose : le caractère. La capacité, après le coup de poing, à rester debout. Pas indemne, mais debout.

Cette armure, faite de persévérance et de robustesse, est votre plus grand actif stratégique. Elle vous a permis de survivre jusqu'ici.

Mais l'armure d'hier protège-t-elle toujours des armes de demain ?

La résilience vous permet d'encaisser les coups. Mais seul un business model pertinent vous permet de les éviter et de les rendre. Le vôtre est-il une forteresse ou une prison dorée ? Est-il conçu pour le monde qui vient, ou celui qui est déjà en train de disparaître ?

La semaine prochaine, nous entrerons dans la salle des machines. On passe au crible les modèles d'affaires qui prospèrent dans le chaos, et ceux qui sont des morts en sursis.

Osez partager cette édition. Voyez qui dans votre réseau est prêt à avoir cette double conversation... sur l'environnement, et sur lui-même.

Eric