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Dirigeants Augmentés : Ne soyez pas le prochain sur la liste + la stratégie de l'outsider par Exail & Akacia

Bonjour à tous,

Bienvenue dans cette nouvelle édition de Dirigeants Augmentés.

Si vous trouvez de la valeur dans ces analyses, le meilleur moyen de me soutenir est de transférer cet email à un autre dirigeant que vous respectez. C'est ainsi que nous forgeons cette communauté de leaders qui refusent la pensée tiède.

L'édition de cette semaine est une plongée en deux temps dans la réalité de la guerre économique. Nous commencerons par une autopsie. Celle d'une défaite industrielle française annoncée, où des entreprises se font méthodiquement écraser pour avoir joué un jeu dont les dés étaient pipés. Une leçon de vulnérabilité stratégique.

Puis, nous changerons de perspective. Radicalement. Nous verrons comment, sur un autre terrain, des outsiders magnifiques comme Exail et Akacia ne se contentent pas de survivre. Ils prospèrent. Non pas en étant les plus forts, mais en étant les plus malins. En refusant le combat frontal pour imposer leurs propres règles.

Entre subir le massacre et maîtriser la guérilla, il y a un choix à faire.

Le premier dossier est une leçon payée au prix fort par d'autres.

Massacre des batteries françaises : anatomie d'une défaite stratégique (et comment l'éviter)

Chute de commandes. Projets stoppés. Redressement judiciaire.

Le constat pour la filière française des batteries électriques est clair. Sans appel. Des mastodontes en devenir aux PME agiles, le diagnostic est le même : "On ne peut pas lutter face aux Chinois."

Le rouleau compresseur de l'Empire du Milieu écrase tout sur son passage. Une production de masse, des prix de cellules qui s'effondrent de 51% en un an. Et une filière européenne qui, après avoir rêvé de souveraineté, se réveille brutalement face au mur du réel.

Une fatalité ? Non.

Une erreur stratégique.

1. Le diagnostic brutal d'une guerre asymétrique

Regardons les faits, sans anesthésie.

Neogy, à peine un an après avoir inauguré son usine, est en redressement judiciaire. Ses trois principaux clients se sont désengagés. La moitié de son chiffre d'affaires s'est évaporée. L'ambition de produire 400.000 batteries ? Mise en pause.

Exoes, le spécialiste de la R&D, renonce à produire en série ses batteries haute performance. Le projet n'est plus viable face à la compétitivité chinoise. Le dirigeant, lucide, résume la nouvelle boussole : quand les marques chinoises sont sur un marché, on ne l'attaque pas.

Arts Energy voit son chiffre d'affaires fondre de 30% en un an. Forsee Power, qui avait atteint la rentabilité, replonge avec 11 millions d'euros de pertes au premier semestre et prévoit une baisse de 20% de son CA sur 2025.

Le responsable de Neogy le dit sans fard : "les Chinois pratiquent des prix inférieurs à nos coûts de production donc on ne peut pas rivaliser".

Le PDG d'Arts Energy confirme : "Si vous ne vous alignez pas sur les prix de la Chine, vous perdez vos clients".

En clair : c'est un combat à poings nus contre un tank. Un combat perdu d'avance.

2. L'erreur d'analyse : confondre l'ennemi et le terrain

Le véritable problème n'est pas la puissance de feu chinoise. C'est une donnée du marché. Immuable. Le véritable problème, c'est notre choix. Celui de nous battre sur un champ de bataille que l'ennemi a lui-même défini.

La Chine a imposé ses règles du jeu : le volume et le prix.

C'est un jeu de commodité. Une guerre d'usure où celui qui a les poches les plus profondes et les subventions d'État les plus massives gagne. Tenter de rivaliser sur ce terrain, c'est comme vouloir jouer au poker contre la banque : la maison gagne toujours.

Pendant ce temps, nos PME et ETI, avec leurs savoir-faire uniques et leur R&D de pointe, tentent de se battre avec les mêmes armes. Elles essaient de faire du volume, de serrer les coûts, de s'aligner sur des prix intenables.

Elles se battent sur le mauvais terrain. Elles acceptent de livrer une bataille dont les dés sont pipés. Et elles s'étonnent de perdre.

Cette situation est un miroir tendu à chaque dirigeant industriel français. Que vous soyez dans l'aéronautique, la défense ou les cleantechs, la question est la même. Quand un concurrent dérégulé change les règles, votre première réaction est-elle de vous adapter à ses règles ou de créer votre propre jeu ?

3. Redéfinir le champ de bataille : votre seule stratégie de survie

Arrêtez de vouloir être moins cher. C'est une impasse mortelle. Votre seule manœuvre gagnante est de devenir incomparable.

La vraie question stratégique n'est pas "comment baisser nos coûts ?", mais "sur quel terrain notre savoir-faire est-il si unique que le prix devient un critère secondaire ?".

Le salut de ces entreprises ne viendra pas d'une course effrénée au volume, mais d'un repositionnement chirurgical sur des niches à très haute valeur ajoutée. Des marchés où la performance, la fiabilité, la sécurité et la souveraineté priment sur le coût unitaire.

Neogy l'a compris et se tourne vers la défense, l'aéronautique et le nautisme. Arts Energy vise le médical et le stockage d'énergie. Exoes, malgré le coup d'arrêt, a signé un contrat majeur avec Flying Whales pour les batteries de dirigeables.

Ce sont des théâtres d'opérations où les règles sont différentes. Des marchés où l'on ne se bat plus sur le prix d'une cellule, mais sur la résilience d'un système complet.

C'est là que se trouve la voie.

Cessez de regarder ce que font les Chinois. Cessez de vous lamenter sur le dumping de Pékin ou la lenteur de Bruxelles. C'est du bruit. De l'énergie perdue.

Concentrez-vous sur votre propre zone d'excellence. Quelle est la technologie que vous seul maîtrisez ? Quel est le besoin client si critique que personne n'osera y mettre une batterie low-cost ? Quelle est votre forteresse imprenable ?

La seule question qui vaille est : pourquoi restez-vous sur ce champ de bataille ?

Le constat est posé. Se battre sur le terrain du prix et de la masse est un suicide industriel.

Alors, on subit ? On commente le match en espérant une faute de l'adversaire ?

C'est une option.

L'autre ? Refuser le combat. Non par lâcheté, mais par intelligence. Changer de terrain. Changer les règles. Transformer sa faiblesse apparente en force asymétrique.

C'est la voie du stratège. Certains l'empruntent déjà avec un succès insolent.

Quand l'export devient une arme : la stratégie d'Exail pour conquérir son marché domestique

Exail, fleuron français des drones marins dirigée par Thomas Buret, incarne un paradoxe stratégique fascinant. L'entreprise familiale connaît un succès fulgurant à l'export, multipliant par dix son carnet de commandes grâce à des contrats avec la Belgique, les Pays-Bas ou Singapour. Pourtant, son dirigeant déplore l'intérêt "trop timide" de son propre marché domestique, la France.

Le Challenge sur la Table

On pense souvent que le succès se construit par cercles concentriques. D'abord prophète en son pays. Puis conquérant de ses voisins. Enfin, maître du jeu mondial.

Une erreur.

Cette vision est un héritage du monde d'hier. Un monde où la validation locale était un prérequis. Aujourd'hui, cette logique est un frein. Parfois, un poison. Le véritable enjeu n'est pas d'être reconnu chez soi pour aller vendre ailleurs.

Le véritable enjeu est de devenir si puissant ailleurs que votre marché domestique n'a plus d'autre choix que de vous acheter.

Et souvent, au prix fort.

Leçon n°1 : L'export comme arme de conquête domestique

Pour beaucoup de pépites technologiques françaises, l'export n'est pas un choix de croissance. C'est une stratégie de survie face à la frilosité des grands donneurs d'ordre nationaux.

Mais voir l'export comme un simple "plan B" est une faute stratégique.

L'arène internationale n'est pas un lot de consolation. C'est un camp d'entraînement à haute intensité. C'est là que vous vous mesurez aux meilleurs, comme Exail face à son rival américain Saildrone. C'est là que vous éprouvez la résilience de votre technologie. Que vous testez la pertinence de votre modèle d'affaires. Loin du confort anesthésiant des réseaux nationaux.

Chaque contrat signé à l'étranger n'est pas seulement du chiffre d'affaires. C'est une brique de votre forteresse. Une preuve irréfutable de votre valeur, validée par un tiers neutre et exigeant.

Quand Thomas Buret déclare : "On a équipé le Brésil, la Corée, le Japon, l'Australie, l’Angleterre avant d’équiper la France", il ne se plaint pas.

Il énumère ses lettres de noblesse. Il construit une preuve sociale si écrasante que l'attentisme français en devient presque absurde.

La stratégie est brillante. Elle consiste à créer un coût d'opportunité insupportable pour l'acteur domestique. Chaque nouveau succès international rend le "non" français plus coûteux et plus difficile à justifier. L'objectif n'est plus de "convaincre" la France d'acheter. L'objectif est de la mettre face à une évidence : ne pas vous choisir devient une faute stratégique.

Vous ne demandez plus la permission. Vous imposez le respect.

Leçon n°2 : Transformer la frustration en levier d'influence

La douleur du champion ignoré est réelle. C'est cette frustration de voir ses efforts acclamés partout, sauf là où ça compte le plus symboliquement.

Cette frustration est un carburant. Ou un poison.

Le mauvais réflexe ? Se plaindre. Critiquer l'État, dénoncer le manque de patriotisme économique. C'est une posture de victime. Elle affaiblit votre position de négociation et vous rend dépendant du bon vouloir de celui qui vous ignore.

Le réflexe de stratège ? Orchestrer sa propre légende.

L'interview de Thomas Buret dans La Tribune n'est pas une plainte. C'est une manœuvre d'influence. Une opération psychologique menée sur la place publique. En choisissant ses mots, "intérêt trop timide", il ne se positionne pas en accusateur, mais en leader serein qui constate un paradoxe. Il crée une tension narrative.

Il transforme son cas personnel en une question de souveraineté nationale. La question n'est plus "Pourquoi la France n'achète-t-elle pas Exail ?", mais "La France a-t-elle les moyens de se priver d'un leader mondial qu'elle a sur son sol ?".

Subtil. Et redoutable.

Cette approche inverse la charge de la preuve. Ce n'est plus à l'entreprise de prouver sa valeur, c'est au pays de justifier son choix.

En visant à devenir le "SpaceX du drone marin", Thomas Buret ne fait pas qu'afficher une ambition. Il ancre son entreprise dans un narratif de rupture technologique et de souveraineté. Comme Musk l'a fait avec la NASA, il change de posture. Il n'est plus le fournisseur qui attend un contrat. Il devient le partenaire stratégique incontournable. Celui qui offre une solution plus agile, plus performante. Une solution déjà validée par le reste du monde.

Il ne vend plus des drones. Il vend une avance stratégique.

Et vous ?

Arrêtez de chercher la validation de votre marché historique. Allez chercher la croissance là où elle se trouve. Devenez si puissant ailleurs que votre marché domestique regrettera son aveuglement.

La vraie question n'est pas : comment convaincre vos clients historiques ?

La vraie question est : quel théâtre d'opérations étranger allez-vous transformer en tête de pont pour forcer, enfin, le respect de vos clients historiques ?

Le "sanctuaire" d'Exail et le "pacte de performance" d'Akacia ne sont pas de simples tactiques. Ce sont les manifestations d'une décision bien plus profonde.

Celle d'arrêter de vendre un service, pour vendre une intelligence. Une garantie. Un pivot qui rend la comparaison par le prix totalement obsolète.

Pour opérer un tel changement, il faut plus qu'une nouvelle plaquette. Il faut oser se poser la question fondamentale : celle qui sépare celui qui exécute de celui qui inspire.

Scaler l'Artisanal : Le pari d'Akacia pour devenir un géant sans perdre son âme

Le Challenge sur la Table

Le cas du groupe Akacia est emblématique.

Pas seulement pour sa performance, mais pour la nature de son défi. L'ambition est claire : intégrer 15 PME en 4 ans pour atteindre les 100M€ de chiffre d'affaires. Un "buildup" à cadence soutenue, nécessaire pour construire un acteur national crédible, capable de tenir tête aux géants du secteur.

C'est là que réside le véritable enjeu.

Le défi est de passer d'une croissance artisanale à cette industrialisation, sans dénaturer l'ADN même du groupe : une "constellation" décentralisée de PME. Le véritable frein n'est donc pas financier, mais culturel. La question critique devient : comment industrialiser la détection de dirigeants qui partagent ces valeurs ? Et comment garantir la cohésion d'un corps dont les membres sont, par définition, autonomes ?

Face à ce défi, le champ des possibles est immense. Nous avons modélisé deux pistes de réflexion qui pourraient transformer cette contrainte en un avantage compétitif décisif.

Levier 1 : Transformer la Culture en Actif Stratégique

Le Principe Stratégique

La confiance ne se décrète pas, elle se construit. Dans un modèle décentralisé, la culture n'est pas une conséquence de la croissance, elle en est le moteur.

Le principe est simple : au lieu de subir la subjectivité de l'humain comme un frein, il faut l'industrialiser. Créer un système où la culture d'entreprise devient un outil de sélection et d'intégration, porté non pas par le sommet, mais par les pairs eux-mêmes.

L’Exemple d’Implémentation : Le SAS de Décompression Culturel

Imaginez un processus de validation qui n'est plus un audit, mais une immersion. Avant toute acquisition, le dirigeant de la PME cible est invité à passer 15 jours au sein d'un "Director's Club" interne. Il n'est plus face à des auditeurs, mais à ses futurs pairs.

Pendant cette période, deux "Vétérans Mentors" – des dirigeants de PME déjà intégrées – sont chargés d'évaluer l'adéquation culturelle. Pas sur un PowerPoint, mais sur le terrain. Le "deal" ne se signe que sur la base d'un "oui" croisé : celui de la cible, qui a pu éprouver la réalité de la constellation, et celui des vétérans, qui ont validé que le candidat partageait bien les valeurs d'autonomie et de confiance.

La cooptation devient une due diligence humaine.

La Leçon Transposable

Et vous, comment pourriez-vous transformer votre culture d'entreprise en un outil de sélection pour sécuriser votre croissance ?

Levier 2 : Vendre l'Intelligence, pas seulement le Service

Le Principe Stratégique

Dans la transformation énergétique et numérique, la valeur a migré. Elle ne réside plus dans l'installation ou la maintenance, mais dans la performance.

Le principe est de basculer d'un modèle transactionnel (je vends un service) à un modèle partenarial (je garantis un résultat). Cela se fait en monétisant la donnée et l'intelligence que l'on produit, et non plus seulement l'acte technique.

L’Exemple d’Implémentation : Le Pacte de Performance Garanti

Plutôt que de vendre un audit énergétique complexe suivi d'une proposition de travaux, Akacia pourrait proposer un nouveau type de contrat. Le diagnostic et les recommandations sont offerts. La rémunération est indexée sur les économies d'énergie réelles générées chez le client, sur 24 ou 36 mois.

Akacia ne vend plus une promesse, mais un résultat tangible. Le groupe prend une partie du risque, démontrant une confiance absolue dans son expertise. Ce modèle est soutenu par un "DashBoard Performance", une plateforme SaaS vendue par abonnement, qui permet au client de suivre en temps réel les gains et la performance de ses installations.

On ne vend plus des mètres de câble ou des heures de main d'œuvre. On vend de la sérénité et de la rentabilité.

La Leçon Transposable

Et vous, quelle performance pourriez-vous garantir à vos clients pour transformer une simple transaction en un partenariat à long terme ?

La Question Qui Ouvre le Jeu

Au fond, ces deux leviers répondent à la même tension : comment scaler l'excellence sans la diluer. Le véritable enjeu n'est pas de choisir entre croissance et culture, ou entre service et intelligence.

La vraie question n'est donc pas de savoir s'il faut grandir.

La question est : comment se met-on en ordre de bataille pour transformer ce qui semble être notre plus grande contrainte en notre avantage compétitif le plus décisif ?

Le terrain de jeu est tout (le reste n'est que littérature)

La leçon de cette semaine est claire :

Soit vous combattez sur le terrain de vos concurrents : vous acceptez de vous faire broyer par plus gros, plus subventionné, plus féroce. Soit vous créez votre propre terrain de jeu. Un terrain où vos règles s'appliquent. Où votre intelligence, votre agilité et votre obsession du résultat font de vous une évidence, pas une option.

C'est le choix entre la commodité et la valeur. Entre la survie et la domination.

La prochaine édition continuera de creuser ce sillon. Nous décrypterons un signal faible qui annonce une tempête pour certains, et une opportunité de conquête pour d'autres. Attendez-vous à une analyse qui, comme toujours, séparera le bruit de l'essentiel.

Si cette édition a bousculé votre pensée, partagez-la. Un autre dirigeant en a probablement besoin. C'est ainsi que les idées circulent.

À la semaine prochaine,

Eric

Fondations de l'analyse (hors recherches web)

  • Dossier Batteries : L'analyse s'appuie sur l'enquête de fond de La Tribune du 25 septembre 2025, complétée par des publications éco (Les Echos, Le Journal des Entreprises) sur les 12 derniers mois.

  • Cas Exail - L'analyse de la posture de Thomas Buret est une réflexion basée exclusivement sur les propos rapportés dans les sources publiques suivantes : l'article "Exail surfe sur le succès à l'export de ses drones chasseurs de mines" paru dans l'édition numérique de La Tribune le 23 septembre 2025, corroboré par la presse éco (Les Echos, La Tribune).

  • Cas Akacia : Le décryptage est basé sur l'annonce de La Tribune le 18 septembre 2025 concernant la levée de fonds de l'entreprise, mise en perspective via Le Bien Public.