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Dirigeants Augmentés : Votre marché s'effondre ET votre produit devient une commodité ? Deux fois la même solution

Bonjour à tous,

Bienvenue dans cette nouvelle édition. Une fois par semaine, je partage mes réflexions sur la stratégie et le leadership. Sans formalité, sans publicité.

Cette semaine, nous allons parler de ce sentiment désagréable. Celui qui vous saisit quand vous réalisez que votre produit, aussi excellent soit-il, devient une simple ligne dans le catalogue d'un concurrent. Une commodité. Quand les marges s'érodent et que la seule variable de négociation semble être le prix.

Beaucoup de dirigeants connaissent cette douleur. Le mur. Le besoin vital de transformer leur business. Mais par où commencer ?

Pour y voir plus clair, on va analyser deux situations. Une industrie historique au bord du gouffre. Un géant du service qui refuse la banalité. Deux cas d'école, même combat, échelles différentes : quand les anciennes règles ne marchent plus, on change de jeu.

La première leçon vient de l’asphalte.

Le syndrome du rétroviseur : quand votre industrie cale, accélérez ailleurs

Le marché automobile français est en train de vivre ce que beaucoup d’entre vous redoutent. Une chute historique. -7,9% au premier semestre 2025 par rapport à l'année précédente. Et une dégringolade de quasi 30% par rapport à 2019.

Le genre de statistique qui vous file des sueurs froides en lisant La Tribune avec votre café.

Vous vous dites "pourvu que ça m'arrive pas". Je sais ce que vous vous dites : Je sais ce que vous vous dites : "Eric repart en vrille avec ses analyses pessimistes". Pas du tout. Donnez-moi une minute

Car ce qui se passe en Bourgogne-Franche-Comté, bastion de notre industrie, n'est pas une actualité automobile. C'est une répétition générale de votre propre futur si vous refusez de voir les signaux.

1. Le diagnostic : l'inertie est un suicide collectif

La filière auto est frappée par une combinaison de facteurs : inflation, pouvoir d'achat en berne, fiscalité punitive, incertitude sur les technologies.

Ça vous rappelle quelque chose ? C'est le cocktail que subissent la plupart des industries "traditionnelles" en France. Le résultat est mécanique : un marché qui s'effondre et 38 500 emplois qui regardent le train passer. Face à cela, la réponse est toujours la même. Noble, bien intentionnée, et souvent... terriblement inefficace.

On crée des "pôles de compétitivité", des "plans de diversification". On parle d'électrification, d'hydrogène. On met une rustine sur une jambe de bois en espérant qu'elle repoussera.

2. La diversification : le pari angoissant

L'article de la Tribune de samedi dernier met en avant le "Pôle Véhicule du Futur" qui accompagne les PME vers la diversification. C'est logique. Mais soyons clairs : c'est un pari. Et un pari difficile.

Se diversifier, c'est apprendre un nouveau métier, attaquer de nouveaux marchés (agricole, médical, armement) où personne ne vous attend. Cela demande des investissements massifs, une adaptation complète de l'outil de production.

L'entreprise LISI Automotive, citée en exemple, engage des millions pour adapter une seule usine. C'est une opération à cœur ouvert. Pendant que vous êtes sur la table d'opération, vos concurrents, eux, continuent de courir. C'est la stratégie de la "tronçonneuse". Courageuse. Parfois nécessaire. Mais le risque est maximal.

3. L'internationalisation : l'exil pragmatique

Et puis, il y a l'autre voie. Celle que l'article mentionne presque timidement en fin de parcours : L'internationalisation.

Si le marché européen vous étrangle avec ses réglementations et sa fiscalité, pourquoi s'obstiner ?

"Les fabricants peuvent orienter leur production vers des marchés hors de l'Europe où ces directives ne s'appliquent pas", souligne le directeur du Pôle. Une phrase anodine ? En réalité, c'est une bombe

Ce n'est pas de la délocalisation. C'est de la lucidité stratégique. C'est admettre que le combat est perdu d'avance sur certains terrains et qu'il faut aller chasser là où le gibier est encore abondant. Et moins protégé.

Pendant que certains s'épuisent à vouloir transformer leur ADN pour plaire à un marché local en décroissance, d'autres prennent leurs produits, leur savoir-faire, et vont les vendre là où on en veut encore.

Alors oui, la diversification est un beau narratif. C'est l'histoire de la résilience, de la transformation. Mais en temps de crise, la première mission d'un dirigeant n'est pas de raconter une belle histoire. C'est de survivre. Et parfois, la survie passe par le choix le moins glorieux, le plus pragmatique. Le plus intelligent.

Allez-vous oser regarder au-delà de vos frontières ? Ou vous allez attendre que le prochain plan de 'compétitivité' vous explique comment vous réinventer ?

La stratégie du secteur automobile est celle du réalisme, parfois brutal. Face à un marché local qui s'effondre, la lucidité commande de ne pas s'obstiner. De regarder ailleurs. C'est une stratégie de survie, un redéploiement géographique des forces pour aller chercher la croissance là où elle se trouve. C'est une décision pragmatique.

Mais il existe une autre porte de sortie.

Plus subtile. Plus audacieuse peut-être. Celle qui ne consiste pas à changer de terrain de jeu, mais à en redéfinir les règles.

Cette voie, c'est celle qui consiste à ne plus vendre un produit, mais tout ce qu'il y a autour.

Votre produit est une commodité ? Vendez l'expérience autour

Votre produit est excellent. Votre savoir-faire, indiscutable. Pourtant, la concurrence est féroce. Les marges s'érodent. Vous êtes pris dans une guerre des prix sur un produit qui devient, jour après jour, une simple commodité. Ce sentiment d'être au pied du mur, de devoir se transformer sans savoir par où commencer, est une douleur que beaucoup de dirigeants partagent.

Regardons loin de l'industrie, et pourtant si proche. Regardons Air France-KLM.

Un géant, me direz-vous, à des années-lumière de la réalité d'une PME. C'est vrai. Mais la logique de leur combat est la même que la vôtre. Face à la compétition féroce des hubs du Golfe, qui jouent avec des structures de coûts différentes, se battre uniquement sur le prix du billet est un suicide programmé.

Alors, ils ont changé de fusil d'épaule. Ils ont signé une alliance stratégique avec ADP, l'opérateur des aéroports de Paris.

L'analyse de ce mouvement est fascinante, non pas pour ce qu'elle est, mais pour les scénarios qu'elle permet d'imaginer. Des approches dont la logique, elle, est parfaitement transposable à votre échelle.

1. Cessez de vendre le produit, vendez l'expérience

Air France-KLM vend des sièges d'avion. Une pure commodité. Mais son actif le plus unique, non-délocalisable, que ni Dubaï ni Doha ne pourront jamais lui copier, c'est sa destination : Paris.

Plutôt que de simplement transporter un passager d'un point A à un point B, l'hypothèse stratégique est de lui vendre une "solution de séjour parisien".

De transformer une escale subie en une expérience désirée. Comment ? En intégrant, via le partenariat avec ADP et sa filiale Paris Experience Group, une offre d'expériences uniques : un coupe-file pour une expo, une visite d'atelier d'artisan, un accès privilégié à une maison de luxe.

Le vol devient la porte d'entrée vers une expérience globale. La compagnie ne vend plus seulement un siège, elle vend l'accès à l'excellence française.

Et vous ? Quel est votre "Paris" ? Ce savoir-faire unique, ce service client légendaire, cette expertise technique que vos concurrents ne peuvent pas imiter ? Avez-vous déjà pensé à le "packager" non pas comme une option, mais comme le cœur d'une expérience complète qui rend le produit presque secondaire ?

2. Devenez l'architecte de votre écosystème

Le deuxième levier, encore plus puissant, est une conséquence du premier.

En proposant ces expériences, le groupe n’est plus juste un prestataire. Il devient le chef d’orchestre d’un réseau. Une place de marché.

D'un côté : des millions de passagers, une demande qualifiée et captive. De l'autre : une offre de partenaires (artisans, restaurateurs, guides) rigoureusement sélectionnés. Air France-KLM devient le tiers de confiance qui connecte les deux et capture de la valeur sur chaque transaction. Le groupe ne gagne plus seulement de l'argent en volant, mais en faisant vivre sa destination.

Pour une PME industrielle, cette construction intellectuelle est tout aussi pertinente. Cela pourrait signifier, par exemple, créer une plateforme pour vos clients, leur donnant accès à un réseau certifié d'installateurs, de sociétés de maintenance, ou de fournisseurs de services complémentaires.

Vous ne vendez plus une machine. Vous vendez une solution de productivité de bout en bout, en orchestrant un écosystème dont vous êtes le pivot. Vous cessez d'être un simple fournisseur pour devenir un partenaire indispensable.

La leçon est là. Quand la bataille sur le produit est perdue d'avance, il faut changer de terrain. Il faut déplacer la valeur là où vos concurrents ne peuvent pas aller. Dans l'expérience. Dans l'écosystème.

Votre produit est peut-être devenu une commodité. Votre intelligence stratégique, elle, ne le sera jamais.

Deux cas, une seule leçon : l'attentisme est un poison. Le déni, une condamnation.

La première stratégie, c'est le pragmatisme : si le combat est perdu ici, déplacez vos forces. Allez conquérir les marchés qui veulent encore de votre savoir-faire. C'est la lucidité de celui qui veut survivre.

La seconde, c'est la créativité : si votre produit devient une commodité, cessez de le vendre. Vendez l'expérience, l'écosystème, la solution globale qui l'entoure. Faites de votre plus grand atout immatériel une nouvelle source de revenus.

Mais pour exécuter l'une ou l'autre de ces manœuvres, la meilleure stratégie ne vaut rien sans la force mentale pour la soutenir.

La semaine prochaine, on ira plus loin. On se demandera ce qui sépare les entreprises qui réussissent leur come-back de celles qui finissent dans les livres d'histoire. La différence se situe rarement dans la qualité du plan. Elle est dans la tête des dirigeants. On verra pourquoi parier contre un champion, même à terre, est toujours une mauvaise idée.

Si cette édition vous a bousculé, partagez-la. Il y a sûrement un dirigeant dans votre réseau qui en a besoin.

Eric